Peut-on encore envisager de faire carrière dans le commerce de détail?

Avec l’arrivée d’Internet et des technologies numériques, le commerce de détail est en pleine mutation. De nouveaux emplois se créent et les commerces de proximité doivent prendre le virage numérique. Malgré de nombreux enjeux, l’avenir semble prometteur. Rencontre avec Léopold Turgeon, PDG du Conseil québécois du commerce de détail (www.cqcd.org)

Globalement, comment se porte le commerce de détail au Québec et au Canada?

Tout d’abord, j’aimerais préciser que la situation est sensiblement la même au Québec et dans le reste du Canada, même si je vais donner des chiffres pour le Québec. Ensuite, il est difficile de dresser un portrait global de l’industrie, car ses sous-secteurs ne sont pas homogènes. Si je regarde les chiffres totaux, tout va bien : pour la troisième année consécutive, on note une augmentation des ventes (6 % en 2016, 7 % en 2017 et 4,2 % en 2018). Par contre, sur 19 sous-secteurs, trois alimentent la croissance : l’automobile, l’essence et les produits de soins de santé. Les autres sont à géométrie variable et dépendent de divers facteurs. Par exemple, le domaine du vêtement est étroitement lié à l’essence : quand l’essence monte, le vêtement baisse. 

Quels sont les enjeux d’aujourd’hui?

Il y en a 3 principaux : 

  1. La main d’œuvre. Les nouvelles technologies changent la donne et il faut trouver des spécialistes pour pourvoir les nouveaux postes. 
  2. Il en découle un autre enjeu : celui de l’appropriation des technologies. En effet, 90 % des commerces de cette industrie en sont de proximité avec 50 employés ou moins. Ils ont donc peu de moyens financiers et de ressources humaines. Pour eux, le gros défi est de prendre le virage numérique. 
  3. Le développement durable. Les gouvernements légifèrent sur tous les produits à usage unique comme le plastique. Cela un énorme impact sur les entreprises manufacturières qui doivent revoir leurs façons de faire. C’est un changement de mentalité complet. Il y a aussi tous les enjeux liés à la responsabilité élargie des producteurs (REP), principe selon lequel les entreprises sont responsables de la gestion en fin de vie des produits qu’elles mettent sur le marché. Ainsi, tout objet qui retourne au centre de tri entraîne des frais pour l’entreprise. 

Quels sont les secteurs qui ont le plus été touchés par l’explosion de l’Internet?

Ce sont en premier lieu les magasins d’électronique. Le secteur du vêtement aussi, mais ses résultats sont cycliques, car, comme mentionné précédemment, il dépend de l’argent qui reste dans la poche du consommateur une fois qu’il a payé, entre autres, son essence.

Quels sont ceux qui fonctionnent encore bien?

La quincaillerie vient de connaître deux bonnes années avec 3,5 % de progression.

Est-il encore possible d’envisager de faire carrière dans le commerce de détail?

Oui, non seulement il est possible d’envisager une belle carrière, mais il y a de plus en plus de postes intéressants. Avec l’arrivée du numérique, de nouveaux emplois se créent et ils sont très bien rémunérés. On oublie souvent que les emplois dans le commerce de détail ne se limitent pas à commis-vendeur. 

Parmi les emplois recherchés, on a par exemple les postes de programmeur et intégrateur web, amateur de médias sociaux ou gestionnaire de communauté, analyste de métadonnées, spécialiste du marketing numérique ou du commerce en ligne. On manque aussi de personnel au service à la clientèle. De plus, avec l’Intelligence artificielle et les robots, la reconnaissance faciale, les assistants vocaux, la réalité virtuelle, de nouveaux emplois se créent. Tous ceux qui souhaitent travailler dans ce secteur ont de nombreuses perspectives de carrière. Et les entreprises n’ont pas le choix d’innover, car la compétition est globale. Or, nous avons ici au Québec et au Canada, tout ce qu’il faut pour répondre à ces nouveaux enjeux et trouver la main-d’œuvre. 

Quels conseils donneriez-vous à un jeune chercheur d’emploi qui souhaite se lancer dans cette voie?

Tout dépend de ce qu’il veut faire. S’il veut occuper un poste de direction, le départ des baby-boomers à la retraite laisse présager de nombreuses possibilités. S’il souhaite se spécialiser en technologie, l’intelligence artificielle et la robotique offrent de belles perspectives de carrière. 

Comment voyez-vous l’avenir du commerce de détail?

Nous le bâtissons en ce moment en faisant un tout du commerce en ligne et du « brique et mortier ». Auparavant, c’était l’un ou l’autre. Maintenant, c’est un ensemble. Les commerçants comme les consommateurs ont tout à gagner avec une expérience unifiée. Par exemple, vous commandez vos outils en ligne, puis vous les ramassez en magasin. À partir de là, on va augmenter la production et baisser les coûts. Il faut aussi se rappeler que 93 % des gens achètent encore en magasin même si 80 % magasinent sur leur tablette ou cellulaire. Les boutiques en ligne ne peuvent atteindre leurs cibles seules. En bref, les emplois sont en pleine transformation, mais le consommateur a besoin de produits. Le brique et mortier est donc encore là pour longtemps. 

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